LE GENERAL FOURNIER SARLOVEZE
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Le général Fournier-Sarloveze Dominique Contant
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Avant de commencer lhistoire, parlons brièvement des Hussards&n bsp;:
Sil est une arme prestigieuse dans larmée Napoléonienne, cest bien celle ci. : Chevauchées fantastiques, uniformes rutilants, sabre au clair, jurant et sacrant en allemand car telle était la tradition des hussards Par leurs charges ces hommes pouvaient décider du sort dune bataille.
Augereau, Kellermann, Grouchy, Ney firent leurs premières armes chez les hussards, mais aussi Curély, Pajol et bien sûr Lasalle .
Cependant il en est un qui laissa un souvenir mitigé : cest le Général Comte François Fournier-Sarlovèze.
Lasalle avait dit quun hussard « qui nest pas mort à 30 ans nest quun Jean-Foutre ! «
Notre personnage, le Général Fournier, mourut la cinquantaine passée mais laissa dans les mémoires limage du « plus mauvais sujet de larmée «
Si lhistoire du duel entre les Généraux Fournier et Dupont est connue par son aspect folklorique, affaire qui se prolongea sur plus de 19 ans, entrecoupée de nombreuses périodes daccalmie, la vie du Général Fournier par contre est beaucoup moins connue.
Lévocation du duel ne sera quun prétexte pour rappeler la vie de ce hussard très controversé.
Il naquit le 6 septembre 1773 à lEndrevie, faubourg de Sarlat, sous préfecture du département de la Dordogne denviron 9000 habitants à lépoque. Il montra assez tôt des talents pour le chant et se faisait remarquer aux offices du dimanche. Attiré peut être par la religion, il se mit à étudier le Latin quil finit par parler aussi bien que le Français.
Cest cependant vers la carrière de magistrat que lorientait son père, pourtant assez peu fortuné, propriétaire de lauberge Le Tapis Vert
La famille sagrandissait et naquirent 3 frères, tous futurs hussards : Nicolas-François connu comme Alphonse, Aimé-Raymond et le cadet Joseph, sous-lieutenant au 12e cuirassiers, mort à Leipzig en 1813..
A lage de 15 ans on retrouva François Fournier chez un procureur de Sarlat. Il prit goût pour lart de la magistrature et, dit-on, y pris quelques initiatives juridiques assez hardies au point que son patron le réprimanda en lui demandant de sastreindre à des rôles plus modestes. Prenant la mouche, Fournier, qui montrait avoir déjà un caractère assez trempé, décida de monter à Paris pour semployer à létude de procureur dun de ses parents.
Le directoire du département de la Dordogne profita de la présence du jeune Sarladais dans la capitale pour le proposer comme intégrant de la garde constitutionnelle du Roi. Il navait que 17 ans. La garde ayant été rapidement dissoute, il fut engagé, le 25 janvier 1792, sous Montesquiou, comme sous-lieutenant du 9° régiment de Dragons.
Les choses allaient vite, en cette époque troublée, et comme beaucoup de ceux qui devinrent fameux et que nous reverrons sous lEmpire, il fit une carrière fulgurante : Lieutenant au 9° dragon le 15 février 1793, chef dEscadron au 16° chasseur le 12 septembre 1793.
La rencontre avec Dupont
Cest ici que se place le début de laffaire que lon a appelée le duel Fournier x Dupont .
En 1794 il sétait déjà taillé une solide réputation de paillard, querelleur et duelliste. Déjà, pour des raisons futiles, on se querellait facilement dans larmée, mais les hussards étaient les plus craints et Fournier le plus terrible de tous.
Se trouvant à Strasbourg il provoqua et tua en duel le jeune Blumm, un strasbourgeois, soutien de famille nombreuse. Laffaire fit grand bruit dans la ville. Le soir même le général Moreau devant donner un bal et, craignant le scandale, chargea son aide de camp, le capitaine Dupont, de lui barrer la route.
Bien entendu Fournier se présenta et commença le dialogue entre les deux capitaines, dialogue qui nous montre bien la familiarité et la rudesse aux armées :
Cest Dupont qui commence :
"- Oses-tu bien te montrer ici ?
- Hein! Qu'est-ce que cela signifie ?
- Cela signifie que tu aurais dû comprendre que, le jour de l'enterrement du pauvre Blumm, il eût été décent de rester chez toi et surtout ne pas paraître dans une réunion où tu es exposé à rencontrer des amis de ta victime.
- C'est-à-dire des ennemis. Tu devrais savoir, toi, que je ne crains personne et que je suis d'humeur à défier tout le monde.
- Tu ne te passeras pas cette fantaisie ce soir; car tu vas aller te coucher par ordre du général.
- Tu te trompes, Dupont ; je ne puis m'attaquer au général qui m'insulte en me faisant fermer sa porte, mais je m'en prends à toi et à eux, et veux te payer généreusement la commission que tu as acceptée.
- Nous nous battrons quand bon te semblera. Il y a longtemps que tes manières fanfaronnes me déplaisent et que la main me démange de te corriger:
- Nous verrons lequel des deux corrigera l'autre."
Par chance pour Dupont le duel se régla à lépée et Dupont eut le dessus.
Car il faut dire que larme préférée de Fournier était le pistolet.
Doulçait de Pontécoulant nous rappelle que lun de ses jeux favoris était de faire galoper ses hussards et de casser leur brûle-gueule à distance.
Bien que blessé, Fournier ne demanda pas grâce et un mois plus tard un nouveau duel sorganisa entre les deux ; Fournier pris le dessus cette fois-ci.
Ce fut au tour de Dupont de ne pas savouer vaincu en déclarant « Seconde manche ! Au premier jour pour la belle ! «
La belle ne régla rien et se solda par un match nul, les deux sétant mutuellement blessés.
Fournier était connu pour ses idées jacobines et le 24 novembre 1794, quelques mois après le 9 thermidor, le représentant Gillet qui avait remplacé Saint Just à larmée de Sambre et Meuse, le destitua du 16e chasseurs.
Obligé de sen retourner à Sarlat, quadviendrait-il de son duel avec Dupont et de la 4e manche tant attendue ? Usant de ses talents de juristes il proposa à Dupont une charte ainsi libellée :
- Article 1er. Chaque fois que MM. Dupont et Fournier se trouveront à trente lieues de distance l'un de l'autre, ils franchiront chacun la moitié du chemin pour se rencontrer l'épée à la main ;
- Article 2. Si l'un des deux contractants se trouve empêché par son service, celui qui sera libre devra parcourir la distance entière, afin de concilier les devoirs du service et les exigences du présent traité ;
- Article 3. Aucune excuse autre que celles résultant des obligations militaires ne sera admise ;
- Article 4. Le traité étant fait de bonne foi, il ne pourra être dérogé aux conditions arrêtées du consentement des parties.
Les premières armes
Lindiscipline, lesprit dindépendance caractérisent déjà Fournier. Il se fait remarquer par des absences injustifiées et des comptes mal rendus. Comme Fournier était également connu pour ses idées jacobines, le 24 novembre 1794, quelques mois après le 9 thermidor, le représentant Gillet qui avait remplacé Saint Just à larmée de Sambre et Meuse, le destitua du 16e chasseurs.
Le 25 mai 1795 sa destitution se transforma en non-activité. Il restera près de 3 ans à Sarlat jusquà ce que Augereau, nommé général en chef de larmée dAllemagne le pris comme aide de camp provisoire le 18 août 1797.
Suite au déclin progressif dAugereau, il fut mis comme chef de brigade du 11e hussards le 28 avril 1798, puis du 8e le 20 septembre avant de devenir le commandant du régiment.
Ses attitudes toujours insolentes, sa mauvaise conduite, ses duels incessants lui valurent de redevenir chef de brigade auxiliaire du 4e hussard le 24 février 1799. Il retourna au 12e hussards, à la demande du régiment dit-on.
Cest donc comme chef de brigade du 12e hussards quil participa à la 2e campagne dItalie en 1800. Il se distingua le 18 mai à la tête de ses troupes lors dune charge dans la vallée dAoste, ce qui lui valu dêtre cité par Berthier dans une lettre à Bonaparte.
Il rencontra le Premier Consul pour la première fois le 28 mai 1800 à Chivasso. Ce qui devait être une entrevue de félicitations se solda par un échec. En raison de son caractère entier, hautain, encore jacobin, il tient tête à Bonaparte pour un sujet futile.
Pour peu il ne le provoquait en duel .
Ceci ne lempêcha pas de se retrouver à Marengo et de sy distinguer avec son 12e Hussard. Il formait alors la brigade Rivaud avec le 21e chasseurs de Duprès. Dans lhistoire de cette bataille, celle que les historiens discutent encore âprement, certains prétendent quune partie des faits que sattribuèrent Eugène et principalement Bessières seraient en fait redevables aux valeureux hussards de Fournier.
La paix signée, le 12e hussard se retrouva à Lanciano, dans les Abruzzes, sous le commandement de Murat. Ils faisaient partie de ce quon a appelé lArmée dObservation du Midi.
Peut être déçu de navoir pas recueilli les fruits quil espérait après cette dure campagne, mais plus certainement pour des raisons que nous allons voir, il obtint de Murat un congés de 3 mois pour se rendre à Paris.
Cest ainsi quil atteint la capitale au début du mois de janvier 1802. Que peut faire un hussard à Paris, si ce nest voir des anciens camarades, assister aux parades et rechercher les plaisirs ?
La conspiration ' Polangis '
Anciens camarades, parades, plaisirs, cest ce à quoi semploya Fournier. Mais noublions pas surtout la quatrième occupation, celle de plusieurs généraux en cette année 1802 : Le complot.
Désuvrement, inquiétudes devant la montée de celui quils jugeaient un nouveau dictateur, refus du concordat, relents de jacobinisme, toutes ces raisons ensembles expliquent lagitation des militaires.
Notre hussard assistait aux parades espérant voir et se faire voir du nouveau maître Bonaparte, celui quil critiquait tant dans les réunions intimes.
Mais le temps passait, les 3 mois de congés sétant écoulés il nétait toujours pas retourné aux ordres de Murat. De plus il inventa, ou sinventa, une excuse : le Premier Consul lui aurait dit que des ordres avaient été donnés pour le retour de son régiment en France et dailleurs Murat le lui aurait confirmé.
Nous verrons que lhomme nétait jamais à cours darguments.
Le seul problème cest que Bonaparte ne semblait pas vouloir marcher dans laffaire, et que de plus il avait une mémoire déléphant et dexcellents informateurs .
Lors dune parade (le 25 avril 1802) le futur Empereur linterpella publiquement, lui adjoignant de rejoindre au plus tôt son poste à Lanciano. Même une providentielle chute de cabriolet semblait incapable dempêcher son retour en Italie. Tout officier ayant senti peser sur lui les regards de laigle en perdait contenance. Cétait mal connaître notre forte tête. Non seulement il resta à Paris mais manifesta publiquement son mécontentement. Il nétait pas le seul ; le petit groupe de mécontents pris le nom de Polangis, du nom dune propriété du Général Oudinot.
Les anciens camarades et connaissances de Fournier se nommaient Mortier, Junot, Augereau, Lefebvre, Davout, Masséna, Bernadotte, Delmas et Donnadieu. Pour comprendre lambiance qui régnait lorsque certains de ces Généraux se réunissaient entre eux et que le vin leur échauffait la tête, il suffit de se souvenir de loffice donné à Notre Dame pour loccasion du Concordat le 28 avril 1802:
Lannes avait fait mine de quitter le cortège; dans la Cathédrale, avant larrivée des Consuls, on avait dérobé les chaises des ecclésiastiques; Masséna avait bousculé des prêtres; certains mangeaient du pain et du chocolat; lépouse de Moreau sétait assise à la place de Joséphine et Moreau fumait le cigare sur le parvis de léglise. Durant la cérémonie le premier consul, excédé, sétait même retourné pour toiser les chahuteurs. Son regard de feu dût certainement croiser celui de Fournier.
Ce dernier avait pris pour amante une belle et riche créole, Madame Hamelin, épouse du banquier Hamelin. Elle avait une réputation bien établie pour ses murs faciles et la suite montrera quelle était à la solde de Fouché.
Mais cest ainsi que celle quon appelait le premier polisson de France devint l'amante du plus mauvais sujet de larmée.
Et cest chez elle, lors dun repas bien arrosé, que Fournier promis de faire passer Bonaparte sous le ventre de son cheval ou de lui envoyer une balle entre les yeux durant un spectacle à lOpéra où lon devait donner Sémiramis
Donadieu (quon appelait aussi parfois Donne au diable) fit la même promesse dassassiner le nouveau maître à la première parade.
Mais les mur avaient des oreilles, les oreilles de Fouché.
Le 2 mai, Delmas fut intimé de séloigner dau moins 30 lieues de la capitale. Delmas qui avait osé dire à Bonaparte: Il ne reste plus quà changer vos dragonnes en chapelets. Quant à la France elle n'a plus quà se consoler de la perte dun million dhommes, quelle aura inutilement sacrifiés pour mettre fin aux pasquinades que vous ressuscitez.
Donadieu fut arrêté le 3 mai. Le 4 mai, au soir, Fournier se trouvait à lopéra lorsquil senti peser sur lui, une nouvelle fois, le regard du Premier Consul.
Cen était trop; fatigué de vivre au milieu dun panier de crabes, Bonaparte les avaient pris dans sa nasse.
Trois policiers invitèrent Fournier à sortir de la salle, et à prendre la direction du Ministère de la Police générale.
Ne nous trompons pas : plus que punir Fournier, il sagissait pour la police de Fouché de découvrir ses fréquentations, bien quelles soient à peu près connues, et surtout savoir ce qui se tramait. Pour asseoir plus confortablement sa position Napoléon Bonaparte se devait de contrôler les agissements des Bernadotte, Lecourbe et autres Moreau.
Le rapport de linterrogatoire de police, fait le jour suivant, montre clairement que la fameuse réplique des capucinades de Delmas était restée en travers de la gorge du Premier Consul, puisquil lui est demandé si Delmas avait répété ce trait en dautres occasions.
Ne croyons pas notre hussard déprimé par cette arrestation, puisque tel un héros de film de 2e catégorie, Fournier obtient de pouvoir se rendre chez-lui, rue Notre Dame des Victoires, afin dy récupérer quelques papiers; sous bonne escorte, bien entendu.
Et il se passa ce que lon pouvait prévoir : Il repoussa les 3 agents à lintérieur de son appartement et les enferma à double tour. Imaginons lair penaud de nos trois policiers. Mais où retrouver loiseau envolé ? Le Général Moncey, fraîchement nommé à la tête de la gendarmerie fut immédiatement alerté. Voici le signalement tel quil a été conçu le 5 mai 1802 : taille : 1 m 81 ( 5 pieds 6 pouces ) ; âgé de 28 à 30 ans ; homme bien tourné ; figure pleine, brune, marquée de petite vérole ; cheveux noirs , à la Titus ; bouche moyenne.
De sa cachette Fournier adressa deux lettres : lune à Fouché et lautre à Desmaret, chef du bureau particulier du ministre.
Ces deux lettres méritent dêtre connues.
Citoyen Ministre,
J'ai paru devant un de vos agents et lui ai donné des détails sur ma manière de vivre à Paris, les motifs légitimes qui m'y avaient amené et retenu. Il m'a assuré avoir mis ces détails simples et vrais sous vos yeux, et que vous les aviez jugés dignes de détruire toute prévention, en projetant d'en rendre compte au Premier Consul. Je vous renouvelle ici l'assurance, Citoyen Ministre, et sur l'honneur, que ce que j'ai déjà dit est la pure vérité. Je réclame de votre justice de faire valoir auprès du Premier Consul mes droits à son estime et à sa bonne opinion; je ne puis l'avoir perdue.
Depuis un mois, Citoyen Ministre, j'aurais quitté Paris, mon congé étant expiré, si le Premier Consul ne m'avait annoncé la rentrée en France du régiment dont je suis chef. Je ne suis resté que pour connaître sa nouvelle destination et m'y rendre. Qu'on me l'indique et, dans vingt-quatre heures, je serai en marche pour ce lieu.
Je dois aussi me disculper, Citoyen Ministre, d'avoir échappé à la surveillance de vos agents. Mais j'ai redouté des préventions, la rigueur bien peu méritée d'une incarcération et tous les obstacles et les lenteurs des intermédiaires. Voilà mon excuse. Mon age et mon état parlent pour la faire adopter. Il me reste cependant une pensée pénible, c'est que j'aurais peut-être occasionné du désagrément aux agents de police. Ce serait, je le jure, une injustice en vers eux. Ils ne pouvaient prévoir mes moyens d'évasion, ni les parer.
Pardon, Citoyen Ministre, d'oser réclamer votre justice. Aussi rigoureux que soient les examens, j'y livre toutes mes actions, mes démarches. Il n'en est pas qui puisse m'être imputée à crime. Je compte entièrement sur la ré paration d'une erreur, comme je place mon espoir dans votre loyauté.
Le Chef de Brigade - FOURNIER
Le Citoyen Fournier, chef de Brigade, au citoyen Desmarets, bureau particulier du Ministre.
Les Procédés gracieux avec lesquels vous m'avez accueilli, Citoyen, le jour de mon arrestation, me commandent de vous en adresser mes bien sincères remerciements et des excuses également vraies, pour m'être soustrait aux agents de police qui m'avaient conduit chez moi, En grâce, ne trouvez pas dans cette démarche une chose désagréable pour vous, au moins dans mes motifs, mais il est si contrariant, si chanceux, si effroyable, de se voir dans des prisons, qu'un colonel de hussards est bien excusable d'avoir cherché à s'y soustraire.
Permettez-moi, enfin, de réclamer de votre honnêteté et de votre bon cur l'exécution d'une promesse que vous eûtes la bonté de me faire, au regard des lettres, bien étrangères assurément aux affaires politiques, et dont la moindre publication ou connaissance entraînerait des malheurs pour des personnes dignes de ménagement, La paix de familles honorables en serait troublée et le scandale affreux retomberait pour longtemps sur elles.
Chargé spécialement de l'examen de mes papiers, vous aurez vu que ma manière de vivre a été conforme à ce que je vous avais annoncé. Je vous prie à genoux, citoyen, de détruire jusqu'aux moindres traces des lettres dont je viens de vous parler. S'il vous était possible de les renvoyer à mon domestique, cela rassurerait davantage les intéressés et j'y tiendrais infiniment. Au moins, Citoyen, brûlez les épîtres de femme qui n'ont aucun rapport à l'objet des examens de la police. Je ne pourrais jamais trop insister sur cette recommandation et sur cette prière.
Je termine ma lettre en vous priant d'avoir soin de mes brevets et lettres de service. Je compte sur la fidélité de ce dépôt et implore généralement tous vos soins et vos bons offices pour me tirer d'une position ou vous êtes, je suis sur, convaincu que je n'aurais jamais dû me trouver .
J'ai l'honneur, etc.. Le Chef de Brigade, FOURNIER.
Le timbre de poste était de Paris. Ce fut facile pour les limiers de Fouché den déduire quil se trouvait chez son amante, Madame Hamelin. Dailleurs il est fort possible que ce soit elle même qui en ait averti la police.
Le lendemain matin les forces de police se rendirent en lhôtel de la rue de Clichy pour cueillir Fournier.
Laffaire menaçait de faire scandale. Fortunée Hamelin alla trouver Fouché.
Le Ministre toujours en quête dune fourberie, toujours à laise pour brouiller les cartes, lui conseilla dadresser à Fournier le petit mot suivant :
Le Ministre, plein de bonté, a pitié de moi et des chagrins affreux que léclat qui vient davoir lieu doit me donner. Il est convenu de dire que vous avez été arrêté rue Vivienne, chez une fille nommée Adeline. Mais à tout le monde, même à vos amis les plus intimes, dites la même chose. Jespère beaucoup vous voir bientôt libre. Prenez courage et patience.
Cest ainsi que Fouché tissait sa toile : les Hamelin et Fournier lui seraient redevables, et ayant aux yeux du Premier Consul déjoué un complot, il faisait dune pierre deux coups.
Sur le même billet Fournier répondit en modifiant simplement les noms :
Jéprouve une consolation dans mes infortunes : cest que vos chagrins sur mon arrestation chez vous sont un peu calmés. Je vous rends toujours grâce de lintérêt que vous prenez à moi et compte bien sur la continuation.
Mais obtenez que je ne passe pas pour avoir été arrêté chez une fille dont, dailleurs, la conduite sous tous les rapports me serait inconnue et pourrait donner prise aux calomniateurs infâmes qui me poursuivent. Arrangez cela pour que la scène ait lieu chez un homme probe et connu, Colbert ou Delpech, ou quelque autre personne de ce genre. Pensez que je ne puis allier ma conduite ni mes habitudes à celles de mauvaises gens.
Je suis bien malheureux. Je nai pas été encore entendu et je suis au secret. Dites à nos amis de ne pas moublier auprès du Ministre et du Premier Consul, si injustement prévenu contre moi. Jespère en vous.
Quoiquen termes polis, Fournier réclama de ses conditions de détention au Temple auprès de Desmarets et protesta de son innocence. Qui aurait pu le croire ? Pas Bonaparte en tous cas et larrêté du 26 floréal an X le mis en réforme et sous résidence surveillée à Sarlat.
Liberté - Égalité
Au nom du peuple Français
Du 26 Floréal, lan X de la République une et indivisible.(16 mai 1802)
Bonaparte, Premier Consul de la République
Arrête ce qui suit :
Article 1
Le citoyen Fournier, chef de brigade du 12° régiment de hussards, sera admis à son traitement de réforme et sera admis en surveillance dans son département.
Article 2
Les Ministres de la Guerre et de la Police Générale sont chargés, chacun en ce qui les concerne, de lexécution du présent arrêté qui ne sera point imprimé.
Signé : Bonaparte
Par le Premier Consul, Le secrétaire dÉtat :
Signé : Hugues B. Maret
Fouché la dit dans ses mémoires : cette conspiration des Généraux nétait pas bien méchante ni dangereuse. On allait en découvrir dautres autrement plus risquées et lhistorien Henri Gaubert résumerait parfaitement laffaire en disant que pour une conspiration de Généraux il y avait bien peu de conspiration pour bien peu de Généraux.
Fournier, Donadieu et quelques autres avaient payé le prix.
En résidence surveillée
Le 26 mai 1802 Fournier reçoit son passeport pour se rendre sur le champs à Sarlat, lieu de sa surveillance, mais il ne repartira que le 15 juin après quelques jours à linfirmerie.
Quatre jours plus tard il arrive à Sarlat. A peine arrivé, ordre est donné au Général Souham Chef de la 20e division militaire et en congés au village voisin de Lubersac en Corrèze à 100 km de Sarlat de le mettre en arrestation à Périgueux.
Son régiment lui demande de rendre les comptes, ce quil navait pas fait, justifie-t-il, par manque de temps. Acceptons lexcuse. Laffaire se régla rapidement et Fournier retourna à Sarlat.
Quelle époque troublée et compliquée : Souham était également dans une situation pour le moins inconfortable : conseillé par le Premier Consul daller prendre lair chez lui en raison de ses scandales sur les tables de jeux, il était suspecté damitié avec Moreau et Reygnier celui qui venait de tuer dEstaing en duel et dont il avait été le témoin et soudainement, sans prévenir, il reçoit la visite à Lubersac de Fournier.
Les préfets de Corrèze et Dordogne furent tenus, chacun de leur coté, de faire des rapports au Grand Juge sur le comportement des deux.
Quelques temps plus tard le chef de brigade Lasalle, commandant le 10e Hussards, passe voir Fournier à Sarlat. Gageons que lamitié des deux navait rien de politique, mais était né dune estime réciproque : les caractères des deux étant assez proches.
Nouvel émoi du préfet en novembre 1802 : Fournier est à nouveau sorti de Sarlat où, semble-t-il, il est assez mal vu de ses compatriotes. Il était allé à Cahors rendre la visite à son grand ami Lasalle.
Fournier se montre assez désinvolte, il nhésite à faire la demande dune cure aux eaux de Plombières, ce que le Ministère refusa promptement malgré 5 certificats médicaux attestant de rhumatismes et dune large cicatrice à la tête.
Un année se passe, à se morfondre à Sarlat. On note bien quelques propos tenus durant des festins biens arrosés mais dans lensemble Fournier semble sêtre assagi. De plus le Premier Consul sest délivré de la menace que faisait peser sur lui Cadoudal et la vigilance des autorités allait se relâcher.
Ainsi le 21 juillet 1804 il se vit autoriser à aller aux eaux de Barèges. Le départ se fit le 8 août et il arriva à Barèges le 1e septembre. Il y rencontra Donadieu, son ancien collègue de complot et, si nous en croyons le rapport anonyme dun espion du préfet des Hautes-Pyrénées, Donadieu revenu dans les bonnes grâces du maintenant Empereur, salua Fournier avec froideur et refusa tout type de relations. Vers la fin de lannée il sen retourna à Sarlat où la vie repris, monotone.
Le retour sous les armes
La guerre allait reprendre, on estimait avoir maté linsoumis et en avril 1805 il reçu sa feuille de route pour se rendre à la Rochelle en qualité dadjudant commandant.
Il fit partie dune expédition navale contre les Antilles Anglaises, passa par lEspagne, Orléans puis, en mai 1806 fut envoyé à Naples.
Son ami Lasalle réussit enfin à le réincorporer dans les hussards le 2 février 1807 en qualité dadjudant commandant c'est à dire chef d'état-major de sa division de cavalerie de réserve quil dirigeait.
Son tempérament de feu ressurgit de plus belle. Il ne dû quà la protection de son ami Lasalle d'éviter une nouvelle disgrâce en raison de ses débordements. Il faut dire que Fournier faisait enfin honneur à son uniforme de hussard, à Eylau et Friedland. Mieux, après la bataille de Friedland, il fut nommé général de brigade, le 25 juin 1807.
Hippolyte dEspinchal nous le décrit tel quen lui même à Breslau, lors dun dîner en décembre 1807 donné par le colonel de dragons Lamothe :
Il y avait les généraux Fournier, Lahoussaie, Auguste Colbert et Pajol, le colonel Lafferière-Lévèque du 3e hussards, puis ladjudant major du Coëtlosquet avec pareil nombre de beautés prussiennes et polonaises. Un incident vint troubler momentanément notre gaieté bruyante, pour faire place à un spectacle qui meut été invraisemblable, si je nen avais pas été témoin, et pour lequel je fus loin de partager ladmiration de plusieurs convives. On était au dessert, le vin de champagne coulait à flots et les têtes commençaient à séchauffer, lorsque parut un dragon dordonnance, porteur dun pli pour le général Fournier dont il demandait un reçu.
Cest juste, mon garçon, lui dit le général, et je vais ten donner un qui ne seffacera pas.
et, lui remettant lenveloppe à la main :
Tiens, place-toi au bout de la salle, le bras tendu, si tu nas pas peur.
Je ne connais pas ce mot-là
Répondit le dragon en se mettant en position sans témoigner la moindre émotion. Alors le Général prenant un des pistolets du colonel Lamothe, vise, perce lenveloppe dune balle et donne 40 francs à lordonnance.
Fournier nen oubliait pas pour autant son différent avec Dupont :
Je suis engagé à déjeuner par le corps d'officiers du régiment des chasseurs de Lunéville ; je compte faire le voyage pour répondre à cette aimable invitation. Puisque tu es en congé dans cette ville, nous en profiterons, si te veux, pour nous donner un coup d'épée",
ou bien :
Mon cher ami, je passerai à Strasbourg le 5 novembre prochain, vers midi. Vous m'attendrez à l'hôtel des postes. Nous nous donnerons un coup d'épée.
FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE